Interview : L'entrepôt intelligent
Que peuvent tirer les entrepôts de la transformation digitale ?
Le physique et le WMS sont désormais en mesure de communiquer en temps réel. Il devient possible de récupérer l’information à la source et l’utiliser pour optimiser sur la base de ce qui se passe sur le terrain. Dans l’autre sens, le WMS va pouvoir parler au physique beaucoup plus directement, c’est-à-dire piloter les chariots, la mécanisation, etc.
Cela est rendu possible par le développement des technologies de type RFID ou IoT et par le fait que ces technologies sont devenues extrêmement accessibles en termes de coûts.
Le déploiement de tels outils permet, entre autres, d’identifier et de localiser aussi bien les équipements (chariots, palettes, etc.) que les opérateurs.
Une fois les informations récupérées, l’optimisation peut être de type algorithmique, mais également pour certains processus recourir à l’Intelligence Artificielle
Quels sont les bénéfices de cette communication en temps réel entre le physique et le WMS ?
Elle permet d'obtenir des gains de productivité et une meilleure qualité de service.
- Les gains de productivité
La connaissance précise de la position des opérateurs permet une distribution plus intelligente des missions et une meilleure réactivité. Les missions peuvent être affectées aux opérateurs en temps réel en fonction de la situation dans l’entrepôt de manière à réduire des trajets non productifs.
Au niveau des réceptions, la reconnaissance des produits par diverses identifications (code barre, RFID, etc.) permet sur certains sites de trier automatiquement la marchandise et de constituer les supports de rangement. Les opérateurs sont dès lors libérés de ces tâches.
- Une meilleure qualité de service
Le contrôle est renforcé en particulier pour les opérations de préparation, d’expédition et de chargement.
Utiliser une caméra au-dessus des opérations de packaging permet par exemple d’enregistrer la constitution des colis. On peut donc avoir un suivi visuel à postériori et une qualité de préparation améliorée.
Dans le même ordre d’idée, l’entrepôt bénéficie d’une meilleure traçabilité des opérations. Les actions sont suivies et horodatées. Un lien peut en particulier être mis en place entre la vidéo et le WMS afin de pouvoir facilement retrouver une séquence et en permettre le visionnage. La performance des caméras est telle qu’elles autorisent la lecture des étiquettes et des numéros de support. On peut ainsi avoir la preuve que la marchandise a bien été chargée.
Enfin, le traitement de certains produits sensibles peut être sécurisé. Je pense par exemple à la vérification du respect de la chaine du froid grâce à l’utilisation de sondes thermiques.
Quelle est selon vous la principale caractéristique d’un entrepôt intelligent ?
L'entrepôt intelligent est un entrepôt qui prend en compte dans le détail le flux qu'il a à traiter. Il sait donc adapter son fonctionnement à l’évolution des besoins de manière à optimiser sa performance.
L’adaptabilité, c’est d’ailleurs un des grands points forts de notre WMS Speed.
L’enjeu est particulièrement important dans les entrepôts qui accueillent des natures de flux variées (B2B, B2C) auxquelles sont appliquées des techniques de préparation spécifiques.
C’est donc le contexte qui doit piloter l'organisation à mettre en place. Cela nécessite une analyse en profondeur des flux. Au niveau de l’intégration du WMS, il ne faut pas se contenter d'écouter le client, mais analyser les historiques, les natures de commandes, les fréquences, etc. L’objectif est d’identifier la structure des flux pour pouvoir imaginer et implémenter les processus adaptés.
Il s’agit d’être quelquefois iconoclastes et de remettre éventuellement en question les habitudes des clients, et de mettre en évidence l’intérêt de nouveaux process totalement différents.
Avec cette démarche, nous avons pu, à plusieurs reprises, améliorer jusqu’à 50% la productivité logistique de certains clients.
Tout cela va, à mon sens, à l’encontre du principe des solutions pré packagées et standardisées disponibles en SaaS, parce qu’un WMS en standard ne permet généralement pas de fournir le degré minimum de personnalisation requis pour s’adapter parfaitement au flux et éventuellement à la mécanisation. Si le client souhaite sous-traiter l’informatique, plutôt que du SaaS, nous préconisons l’hébergement et la location d’une solution paramétrée ou adaptée au besoin du client. Cela lui donne en plus la possibilité de réinternaliser s’il le souhaite. Le contraire est également possible (externalisation).
En fait, c’est l’adaptabilité de l'outil qui prime. D'ailleurs, si notre solution est plébiscitée par nos utilisateurs c'est qu'ils y trouvent véritablement cette souplesse.
Comment savoir si un WMS répond à ses missions ?
Avant tout à travers la mesure de la satisfaction client. Le niveau d’activité du service support du client représente à ce titre un bon indicateur.
Les e-commerçants sont généralement surpris de la réduction de la charge de leur service client. Celle-ci est obtenue grâce à la fiabilisation de leur préparation de commandes et contribue directement au ROI du projet, au même titre que les gains opérationnels.
Ensuite bien entendu, la logistique a un impact direct sur les performances financières de l’entreprise. La mise en place du WMS doit donc naturellement se refléter sur le compte de résultat.
Le ressenti des équipes est important. Si les opérateurs sont satisfaits d'utiliser l'outil, c’est généralement que celui-ci réalise bien sa mission.
Enfin, c’est aussi dans les phases d’évolutions du périmètre qu’on identifie un bon WMS. Les évolutions doivent être simples et peu couteuses, y compris en cas d’évolution technique des environnements ou des systèmes d’exploitation.
Comment l’entrepôt intelligent interagit-il avec la fonction transport ?
Cette interaction concerne à la fois les opérations en amont et aval de l’entrepôt.
Par exemple, en amont, anticiper l'organisation des quais contribue directement à fluidifier les opérations dans l'entrepôt et à dimensionner les ressources nécessaires. Cette anticipation peut passer par le déploiement d’outils, comme la prise de rendez-vous. Sur cette fonction, nous proposons de notre côté à nos clients d’utiliser le site Web associé à notre WMS pour demander à leurs fournisseurs ou transporteurs de planifier directement eux-mêmes leurs livraisons sur les plages horaires disponibles.
Autre exemple, sur l'aval, en fonction des unités de manutention constituées par l’entrepôt, le WMS doit permettre d’optimiser le choix du transporteur. Ce choix prend en compte de nombreux critères liés aux tarifs des transporteurs, à la nature des produits, aux nombres de colis, aux délais de livraison ou autres contraintes destinataires.
Ensuite, une fois le transporteur identifié, il convient de se connecter à celui-ci pour lui transmettre des informations, récupérer le balisage des unités de manutention, etc.
Ou, encore également en aval, si l’entrepôt gère lui-même des tournées, en disposant d’une liaison temps réel avec les livreurs et la géo localisation, cela nous permet de gérer les horaires de livraison chez les clients et donc d’éventuellement de les informer de l’heure de passage. De plus, l’exploitant suit la réalisation des tournées en temps réel.
Toutes les fonctions de l’entrepôt sont-elles automatisables ?
Avec la baisse des coûts, l’automatisation se démocratise naturellement.
Certains sites ont par exemple déjà automatisé l’ensemble de leurs opérations de préparation de commandes. Néanmoins, il convient à mon sens de garder une certaine mesure.
Le risque tient au fait que les flux évoluent et qu’un schéma d'organisation basé sur de l’automatisme et valide sur une période, peut très bien ne plus l’être quelques temps plus tard. C’est pourquoi il convient de veiller à garder une certaine souplesse. Tout le monde a en mémoire des gros projets d'automatisation qui se sont traduits par des échecs parce que la nature des flux avait changé, par exemple, dans le textile avec des entrepôts automatisés conçus à la base pour des produits suspendus alors que l’activité a migré depuis vers du colis de textile à plat.
Il faut également tenir compte des limites techniques réelles du système. S’il ne répond pas à la vitesse attendue, la capacité de traitement du site sera durablement limitée. Il sera impossible dans ce cas d’absorber les pointes d’activité, alors que dans une organisation équilibrée entre mécanisation et opérateurs, il sera toujours possible d’intégrer du personnel temporaire.
Toutefois, il semble bien que ce soit le sens de l’histoire et il faut imaginer à terme des sites logistiques totalement automatisés, car les outils d’automatisation sont de plus en plus performants et intelligents. Toutes les fonctions réalisées par les opérateurs humains seront progressivement remplacées par des robots ou automates qui seront de plus en plus intelligents et de moins en moins chers. Le rôle de l’intégrateur de solution sera majeur, mais j’imagine que le WMS sera toujours présent et au cœur des systèmes pour le pilotage et l’orchestration de l’ensemble. Dans cette perspective, on peut imaginer que dans les entrepôts, il y aura plus d’automaticiens, d’informaticien ou de personnel de maintenance que d’opérateurs pour traiter le flux…
Dans quelle mesure les informations de votre WMS peuvent-elles être accessibles aux partenaires externes de vos clients ?
Les fournisseurs et clients peuvent interagir avec le WMS à travers les portails que nous mettons à leur disposition.
Les clients peuvent en particulier saisir et suivre leurs commandes et obtenir toutes les informations souhaitées et disponibles dans le WMS.
Les fournisseurs, peuvent de leur côté réaliser des pré réceptions. Ils saisissent les éléments permettant de baliser les produits à la réception. L’opération en entrepôt s’en trouve dès lors facilitée et accélérée.
Quels sont les principaux secteurs d'activité adressés par BK Systèmes ?
Speed s'adapte à toute nature de flux. Nous gérons aussi bien des entrepôts dans la grande distribution que dans l’industrie, le e-commerce, ou le retail.
Nous comptons en particulier de belles réalisations dans les secteurs de la téléphonie, des produits high-tech, du textile, du bricolage, des vins et spiritueux et de l’électroménager.
De plus, ayant équipé nombre de sites de prestataires logistiques, nous touchons en fait à à peu près toutes les natures de produits.
La plupart de nos nouveaux contacts commerciaux nous ont connus par bouche-à-oreille, notre solution leur ayant été recommandée par nos clients actuels.
Nous venons également de lancer Foxy, outil d'approvisionnements indépendant de notre WMS, mais dont la philosophie est identique à celle de Speed, c'est-à-dire simplicité et orientation utilisateur. Sortie opérationnellement courant juin de cette année, la solution a déjà été retenue par des acteurs dans le secteur des produits médicaux et les produits Bio.
Les éditeurs de solutions logistiques sont confrontés à une pénurie de personnel…
Les éditeurs dans le domaine de la logistique font en effet face à un manque de candidats ayant des profils développeurs et consultants.
Même si les problématiques auxquelles nous touchons sont hyper intéressantes, l'entrepôt souffre encore d’un déficit d’image en particulier en comparaison des projets Web ou des startups. Il est donc plus difficile d’attirer les bons profils.
Néanmoins, une fois les collaborateurs intégrés, ils sont généralement passionnés par les sujets traités et nous n’avons donc pas de difficulté particulière à les fidéliser. Ils semblent parfaitement heureux chez nous et notre turnover est actuellement bien plus faible que la moyenne des SSII ou éditeurs.
Bio Express
François BIESBROUCK a commencé sa carrière en tant que Responsable Informatique chez le prestataire logistique FDS (qui a été intégrée depuis à HAYS Logistique puis Kuehne + Nagel). Il y a acquis une forte expérience opérationnelle dans le domaine de la gestion d’entrepôt. Au début des années 1990, il propose à la SSII Hardis de s’engager dans une nouvelle voie en développant un WMS. À partir de cet accord, François BIESBROUCK prend la direction du Département Logistique et développera le WMS Reflex. En 1998, il crée la société BK Systèmes et développe la première version de la solution Speed WMS en 2003 puis en 2019 FOXY APS. L'activité est centrée sur la gestion des entrepôts, des sites de production, de distribution et de leur approvisionnement. À ce jour, BK Systèmes est composée d'une soixantaine de collaborateurs en France, avec plus de 150 clients dans plus de 25 pays.
Article rédigé par François BIESBROUCK, Président chez BK Systèmes